Bélinda Ibrahim

Le Romantique du XIXème siècle

Le Romantique du XIXème siècle

 

Alfred de Musset et George Sand: les Enfants du Siècle c'est bien vous deux! Le Romantique du XIXème siècle est un être rare. On le pense perdu dans monde qui ne lui sied pas. C'est un vieux avant l'âge: trop mûr, trop profond, trop sensible et oh combien passionné et passionnant! Il est sans doute le fruit de plusieurs réincarnations. Achevé sans l'être vraiment, un délicieux paradoxe de la jeunesse d'un corps doté d'un esprit d'aïeul. C'est ce qui le rend unique à vos yeux. Il le sera.                                      

La première lettre qu'il vous écrit vous laisse bouche bée. Vous avez sous les yeux et dans les mains une prose qui ferait se retourner tous les romantiques du XIXème dans leurs tombes! Vous avez l'âme d'une George Sand. Vous répondez sur le même tempo. La correspondance qui suivra sera longue, dense, passionnée. Vous vous aimez par écrit. Dans les non-dits tout d'abord, puis entre les lignes. L'épreuve orale se fera plus tard sous forme de consécration. Vous vous créez un monde rien que pour vous deux. Personne n'y aura jamais accès. Vous inventez des mots. Mon amour devient « Mon Amorti(e) ». Vous jouez avec les lettres, vous faites virevolter votre plume. Lui vous enchante par sa musique: classique et torturée comme les notes du Concerto pour piano No 3 de Rachmaninov. Vous l'initiez à la vie. Vous êtes sa Muse. Il est « votre avion renifleur, votre poète, votre philosophe ».      

Vous êtes éperdument épris. Roméo et Juliette. Drame shakespearien en trois actes. Vous escaladez les balcons, prenez des avions et vous ruinez tous deux au téléphone. Vos lettres vous arrivent avec de grosses bavures d'encre: un test de Rorschach réinterprété au gré de vos larmes. Vous ne supportez pas une séparation de plus de 15 jours. La vie l'un sans l'autre est intolérable alors qu'elle est, en réalité, inconciliable, voire impossible! Vous craignez une grossesse. La fenêtre jumelle du Clearblue est positive. Deux échographies confirment l'échec de la pilule du lendemain. Vous n'avez jamais autant désiré un enfant. Vous rêvez de l'essence de vos deux chairs et la projection que vous en faites est, à vos yeux, magnifique: «Il/elle aura tes yeux verts, mes cheveux bruns, ta bouche gourmande, ma fossette sous le menton, tes mains fines et noueuses, mes pieds que tu aimes tant et… notre amour pour l'écriture. Il/elle sera écrivain!»  Jamais châteaux en Espagne n'auront été si difficiles à écrouler. Au forceps. Recours à la bombe atomique. À l'aspirateur de vie. Votre amour subit sa première grande épreuve. Piège avorté. Comme le sphinx, il renaîtra de ses cendres, grandi par la douleur du renoncement.

De votre projet/progéniture ne reste qu'un négatif soigneusement protégé dans un cadre photo qui rappelle ce qui aurait pu être… lui et vous à la fois. C'est-à-dire, tout. La vie continue et vos promesses de « remettre ça » dès que la situation le permettra. Candides du XXème! Voltaire aurait été fier de ses jumeaux!Et tout ce méchant monde qui vous épie et vous guette. Ces empoisonneurs de vie qui ne cesseront de verser leur venin que lorsque de guerre lasse vous vous rendez: tout d'abord à l'évidence que vous ne ferez jamais votre vie ensemble, mais également à l'adage qui prédit ­- à juste titre - que même les grandes amours finissent par mourir. La réalité vous rattrape à grands pas. Vous ne savez plus rêver. Désormais, tout n'est plus que contraintes et sacrifices. Vous étouffez à deux. Longue période de sevrage et de désintoxication. Vous faites de nombreuses rechutes, puis de plus en plus espacées… "Requiem for a dream"!   

Vous sortez de la vie l'un de l'autre à pas feutrés, presque recueillis. Lui se consacre à son travail et quitte la ville où vous avez accumulé de merveilleux souvenirs. Vous vous jetez à corps perdu dans la construction d'un avenir qui vous semble plus adapté et surtout plus conforme au champ d'acceptation de votre entourage. Vous vous y employez tant et si bien que vous finissez par y croire. Vous placez sa correspondance dans un endroit hors de votre portée. Pour ne plus le relire et réveiller vos souvenirs. Lui fait de même et s'essaye à des aventures sans lendemain. Il vous appelle souvent pour vous dire qu'il n'arrive plus à aimer. Que vous avez « terminé l'amour en lui ». Mais il ne vous en veut pas. Vous non plus d'ailleurs. Votre tendresse est demeurée intacte. À chaque fois que vous vous revoyez, l'émotion vous submerge. Une fierté doublée de reconnaissance aussi: celle d'avoir réussi à préserver dans l'endroit le plus profond de vos deux cœurs, sans amertume, griefs ni reproches, l'une des plus grandes et plus belles histoires de votre vie. Sans doute.

Annonce/rencontre: cherche romantique du XIXème siècle (certificat d'origine, authentifié de préférence), aimant Rachmaninov, Tchaïkovski, Nietzsche et Mc Do pour pause souvenir en rewind aux couleurs de l'été. Éventuelle évolution en champion de Système D s'abstenir. Mot de passe: «Tu sens le soleil…» RSVP! 

                                                                                                                                                                                  



02/05/2010
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