Bélinda Ibrahim

Le roseau B.C.B.G.

Le roseau B.C.B.G.

 

 

         

               Il se présente à vous avec un CV bien sous tous rapports: «Libre comme l’air, fils de famille dont l’origine bourgeoise remonte à plus de deux générations, maniant la langue de Molière avec une aisance théâtrale», il a tout pour plaire ou presque! Les préliminaires de séduction terminés, il vous glisse, au cours d’une conversation anodine, qu’il a une femme dans sa vie depuis des années, mais «attend de rencontrer la femme de sa vie, l’aspirateur, qui ferait le vide… 

          Simple réaction à l'attraction du vide: il est sorti avec elle pour oublier sa douloureuse rupture avec une autre qui l'avait laissé tomber et voilà que les années ont passé… échafaudant sans cesse des plans pour la quitter. Sans succès. D'ailleurs, pourquoi l'aurait-il fait au risque de se retrouver seul? Il sait - une voyante le lui a prédit - que son âme sœur l'attend quelque part. D'ailleurs, tout semble indiquer que ce soit vous.

              Les dés sont jetés. Vous voici sans le vouloir investie d'une mission divine: vous transformer toute affaire cessante en aspirateur!

              Vous acceptez de jouer le jeu et avalez le mode d'emploi des aspirateurs les plus performants sur le marché sans omettre de vous enquérir avec angoisse des disponibilités des pièces de rechange au cas où…

              De son côté, le cher monsieur est beaucoup moins libre qu'il ne l'avait laissé entendre et voilà qu'il commence à être bien embarrassé dans la gestion de son temps. Il vous consacre ses soirées en semaine et disparaît les week-ends chez son « ex » (surnom qu'il lui donne très vite pour vous rassurer) afin de la « sevrer » petit à petit.

              Après tout, c'est un garçon bien, qui revendique haut et fort les valeurs auxquelles il croit: «Ne pas faire souffrir son prochain, rester un gentleman, rompre élégamment sans passer pour un goujat.»

              Ce petit cinéma prend quand même un peu trop de temps à votre goût et commence à vous peser. L'aspirateur cale. Rupture après une scène pathétique au cours de laquelle il vous jure par tous les dieux que «Tout ce qu'il souhaite, c'est partir, mais qu'elle lui fait subir un chantage affectif insoutenable.» Vous restez imperturbable. 48 heures plus tard, il vous rappelle pour vous annoncer la super nouvelle: il est libre de sa vie, tout est réglé, il vous demande pardon. Il vous aime.

              Chat échaudé craint l'eau froide. Vous demandez un temps pour la réflexion, question de principe, et en profitez pour vous réapprovisionner en sacs à poussière plus résistants que les précédents.

              Devant son insistance et sa mine penaude d'orphelin, vous cédez.

              Comme tout lendemain de fête, bonjour les dégâts! La journée s'annonce par des sonneries de portables insistantes auxquelles le gentleman ne répond pas. C'est l' « ex ». C'est ainsi que vous entamez votre relation au rythme de coups de fils suspects, vite banalisés par le sieur.

              Ce dont vous ne vous doutez cependant pas, c'est que la situation a basculé dans le sens inverse: c'est vous le week-end et certains soirs de la semaine et l'« ex » qu'il revoit en cachette et qu'il surnomme « amie » les fois où il est bien attrapé. Vous rompez. Décision sans appel. Zéro circonstance atténuante. Ouf! Quel soulagement!

              Le cher roseau, entre-temps, continue à plier sans rompre à chaque fois qu'une brise légère le sollicite… et l' « ex », femme admirable, victime de la fausse bonhomie du roseau, se laisse encore manipuler et est toujours à la recherche de son statut.

              Un tuyau: si vous soupçonnez votre partenaire d'être un roseau, soufflez lui dessus. S'il plie, pliez bagages!

 



02/05/2010
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