Bélinda Ibrahim

Les enfants du siècle

 

Ils ont été présentés l’un à l’autre sur la Toile, dans ce salon en ligne où l’on fait connaissance avec un peu tout le monde. Là où les murs sont abolis et les vies bien rangées derrière un écran d’ordi. Dans une ère un peu spéciale/spatiale où le papier a cédé la place au clavier et les doigts font fonction de plume, mais l’écriture, elle, demeure le reflet/miroir de la personnalité de chacun. George Sand et Alfred de Musset  version numérique se sont retrouvés et reconnus dans ce salon-là, au milieu d’échanges littéraires pointus. Lui écrit depuis des années pour lui : trois manuscrits, des poèmes, de la prose en tout temps. Il a le verbe exigeant,  et ne cède pas à la facilité des synonymes à portée de main. Il aime bien provoquer son lecteur et le tenir en apnée avec, bien sûr, un dictionnaire, voire deux à proximité. Le Grand et le Petit Robert à la fois seront d’un grand secours pour déchiffrer certaines pépites finement ciselées. Elle a l’écriture claire, fluide et cristalline. Elle joue beaucoup sur la ponctuation, ses phrases se lient par points de suspension, un peu comme si ces points-là  représentaient des blancs qu’on pourrait soi-même remplir dans une interaction participative avec les émotions de leur auteure. Ses textes sont courts, captivants et émouvants. Il écrit long, elle raconte court. Ces deux êtres, branchés tout d’abord sur leur Wifi, finissent enfin par se rencontrer pour un café. Le courant passe jusqu’à les scotcher. Ils vont se revoir, ils ne se lâcheront plus. Ils se font des promesses qu’ils tiendront. Des retrouvailles intenses. Une (re)connaissance en terrain connu. Des ballades parmi les livres et la musique dans les quartiers parisiens porteurs d’histoire et de grande littérature. C’est le temps retrouvé. C’est du temps (perdu) à rattraper. Alors les enfants du siècle se dépêchent de s’aimer. Fort. Intensément. Des heures d’avion les séparent, mais qu’importe, ils se débrouilleront. L’amour  ne déplace pas seulement des montagnes, l’amour fait pousser des ailes. Les voilà depuis, ancrés dans une belle réalité, celle d’un couple en construction. En remaillage. Chacun d’eux a ses bagages. Chacun a son histoire, son vécu, ses cicatrices, ses doutes et  ses attentes. Ils composent avec. Ils se rassurent mutuellement. Chacun est à la fois la plaie et la cicatrice. Guérir ensemble sera leur projet de vie. Effacer  aussi et surtout les blessures d’autrui : celles qui leur ont laissé de l’amertume, des plaies purulentes, des failles…      Celles qui les maintiennent un brin hésitants avant d’accorder leur confiance. Normal lorsqu’on a été trahi (e), normal lorsqu’on a été abusé, normal lorsqu’on s’est laissé tenter par le chant de sirènes au cœur de pierre, normal lorsqu’on a été victime de moult séducteurs. Mais à cœurs vaillants rien d’impossible. C’est à quatre mains qu’ils vont réécrire leur histoire : celle de deux enfants qui s’aiment. Des enfants du 21ème siècle qui feraient se retourner dans leur tombe Musset, Sand, Proust, Baudelaire et tous les grands de ce monde en vers et en prose. Cela s’appelle un conte de faits moderne. Et ça n’a pas de prix, cet amour du côté de chez soi. 

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02/04/2015
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